ÉLECTRICITÉ ÇA VA COUPER !

Annoncées publiquement par la ministre de la transition énergétique elle-même fin novembre, des coupures seraient potentiellement possibles. A quoi cela est dû ?
Est-ce « normal » à la vue de la situation actuelle du parc de production ?
Quels réels leviers sont possibles ?

Le Réseau de transport d’électricité (RTE), dans son analyse sur le passage de l’hiver 2020-2021, avait annoncé la couleur. « Il y a en particulier un risque accru au mois de février par rapport aux années précédentes ». Principale raison évoquée : le covid.
En effet, les opérations de maintenance effectuées sur le parc nucléaire se déroulent au printemps-été, du fait d’une demande logiquement réduite donc maitrisée. Cependant le premier confinement a fatalement réduit drastiquement ces opérations et ainsi la puissance disponible lors des périodes où la demande est la plus élevée.
Pour autant, cette prévision avait déjà été envisagée dès le mois de juin, des mesures ont donc été mises en place, comme garder des réacteurs arrêtés. De plus, les prévisions d’une demande en baisse de l’ordre de 5 % liées aux confinements ont permis de garder du combustible et d’envisager sereinement les derniers mois de cette année. C’est plutôt pour fin janvier et février prochain que la situation peut se révéler critique, dans la mesure où la rigueur de l’hiver serait plus sensible qu’à l’accoutumée, soit avec des températures estimée de 2 à 7 degrés moindres que les normales saisonnières. Dans ce cas, les responsables de l’alimentation et de la gestion miseraient sur la citoyenneté, via un site Internet permettant de visualiser la situation du réseau : Ecowatt.
RTE peut couper des industriels volontaires en amont, ou baisser de 5 % la tension.
Et alors, sinon, ce seront les coupures.

Et pourtant, de vraies solutions existent.
D’abord il faut savoir qu’en France, la pointe de consommation électrique est 55 % plus élevée que dans les autres pays européens, dû au développement massif du chauffage électrique depuis les années 1970, lié au caractère providentiel que constituait le nucléaire à cette époque.
Si nous rénovons de manière performante seulement les logements classés F et G (avec remplacement des convecteurs par des pompes à chaleur dans ce calcul), cela diminuerait de 13 GW la puissance électrique appelée en période de grand froid (-13 %). Ajoutez l’asservissement des chauffe-eau électriques non encore asservis pour un gain de 0,8 GW.

Dans les bâtiments de type tertiaire, l’action à entreprendre est l’arrêt des nombreux appareils qui restent inutilement allumés : ventilation, éclairage, équipements informatiques… fonctionnent souvent jour et nuit sans s’arrêter. Ces arrêts, combinés au remplacement d’appareils par des équipements plus efficaces, entraîneraient une baisse d’environ 7 GW de la puissance appelée.
Dans l’espace public, la modernisation de l’éclairage public, l’extinction des publicités lumineuses et une modération de l’éclairage public décoratif les jours de grand froid comme celles de noël, ou encore, dans les commerces notamment, une application plus stricte de l’extinction des illuminations de vitrines et bâtiments, le tout pour un gain allant jusqu’à 0,6 GW.
Enfin, avoir un site dédié aux particuliers c’est bien, mais à cela il faut ajouter des campagnes de sensibilisation à grandes échelles lors des pics de consommation, appelant chacun à réduire sa consommation. À 19 h, plus d’un GW pourrait ainsi être économisé.

Toutes ces actions permettraient à court terme de réduire de plus de 4 GW la puissance électrique appelée à 19 h pendant les vagues de froid (et de 1,9 GW entre 10 h et 12 h, autre période de pointe au cours d’une journée hivernale). À plus long terme, c’est une économie de plus de 20 GW qui est attendue (et encore davantage si tous les logements chauffés à l’électricité sont rénovés, au-delà des seules classes F et G).
Réduire la pointe c’est donc avant tout retrouver des marges de manœuvre sur le parc de production, permettant par exemple de fermer les dernières centrales à charbon et d’envisager plus sereinement la fermeture de centrales nucléaires vieillissantes, et sur les réseaux de transport et de distribution, ouvrant la voie à de nouveaux usages de l‘électricité. Le tout sans coupures.

 

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