CONVENTION CITOYENNE POUR LE CLIMAT : INTERVIEW

Martine ROUSSET est comptable. Née à Nyons, proche du « terroir », issue d’un milieu modeste et rural où les économies sont une valeur, elle a toujours été respectueuse de l’environnement par éducation et culture.
En septembre 2019 elle reçoit un SMS qui va changer les mois qui vont suivre

Comment avez-vous été contactée ?

« J’ai reçu un SMS du gouvernement en septembre 2019 me précisant que mon numéro de téléphone avait été tiré au sort. Il me demandait si je voulais participer à la convention citoyenne. J’ai mis une 1h avant de répondre oui et partir pour la grande aventure « parisienne » qui m’effrayait un peu.  »

Sur quels sujets avez-vous travaillé ?

« Le thème de la convention citoyenne est Comment réduire les Gaz à effet de serre de 40 % d’ici 2030 dans une justice sociale.
Je fais partie de la commission transport qui compte 30 membres. J’ai rejoint cette commission en octobre 2019 à la deuxième session de la convention après un désistement. »

Comment ça s’est passé ?

«Les 150 citoyens représentatifs de la population française se sont réunis lors de 7 sessions à ce jour. Cette mini France se réunissait au Palais Iéna siège du CESE (Conseil Économique Social et Environnemental). Le mélange était particulièrement riche de par la provenance des gens, leur culture, leurs bagages, leur univers sociologique, leur âge…

L’organisation était irréprochable, les animateurs très professionnels, à l’écoute, médiateurs quand il y avait des tensions ce qui a permis une grande écoute et beaucoup de bienveillance.

En dehors des groupes nous avons travaillé en hémicycle les 150 ensemble, mais aussi participé à des interventions transverses permettant les partages d’un groupe à l’autre. Nous avons eu un speed dating avec 30 experts j’ai pu en rencontrer 4 dont un voyagiste, une représentante d’un dispositif zéro carbone et un des circuits courts.

 Le thème de la convention portait également sur la justice sociale nous avons donc travaillé pour lister et hiérarchiser ce qui était juste dans la société française. Mes collègues du moment ne voyaient pas beaucoup de justice. De mon côté cette période m’avait montré que la santé permet un accès aux soins à tous avec des techniques de pointe. Côté éducation également il y existe une justice jusqu’à un certain niveau d’étude, le secondaire devient plus stigmatisant.

Le débat est primordial et c’est comme ça que la convention s’est faite : l’apport de chacun permet d’enrichir les visions des autres et faire basculer les choses. Nous avons des problématiques différentes et apportons par notre témoignage des éclairages sur les particularités de chaque territoire. Moi c’était plus les territoires ruraux, à chaque fois que je rentrais à Nyons je me sentais privilégiée

Ensuite ils nous ont fait rencontrer un panel d’experts : c’était incroyable de voir des personnalités qu’on voit à la télévision et de leur parler. J’ai été marqué par la phrase de Nicola HULOT qui a dit : « bienvenue dans le monde de la complexité« . A la deuxième session j’étais effectivement désabusée de monter à Paris car je me disais qu’on n’y arriverait jamais.

Là je me suis rendu compte de ma chance de pouvoir porter la parole de mes proches ou amis à ces personnes pour faire remonter les avis des citoyens aux experts.

Un ami paysan, que j’ai questionné, m’a fait cette remarque qui m’a motivée : « on a mis 50 ans pour en arriver à ce constat dramatique, il va falloir 50 ans pour revenir à la raison avec des accélérateurs (corona, catastrophes…) ou un autre modèle économique. »
Ça a été une clé pour moi, une vraie prise de conscience. Les gens autour de moi m’ont beaucoup apporté.

Parfois j’ai été confrontée au décalage entre la réalité et les experts : quand j’ai rapporté à un énarque les critiques des normes qui changent sans arrêt pour les artisans, il m’a dit ne pas comprendre de quoi je parlais. Mais une autre fois un représentant de l’artisanat a soulevé les mêmes sujets j’ai donc été rassurée.

Je faisais le lien entre ce que je voyais et entendais à Paris pour faire le lien avec Nyons. Je suis persuadée qu’il faut déléguer aux territoires comment faire cette transition, les gens du territoire vont trouver leurs solutions, devenir acteurs. J’ai un peu du mal avec ces textes globaux qui s’appliquent difficilement en local. Entre volonté et réalité il y la confrontation des problématiques.

Mais chaque fois que je me nourrissais d’expériences citoyennes des autres ou des paroles d’experts je trouvais que c’était de plus en plus complexe et surtout qu’il fallait faire des choix. Où est la solution ? 1 question en amène 10 !

La convention est sortie en juin après le confinement. 3 propositions n’ont pas été retenues : la limitation à 110 km/h sur l’autoroute (mais les pics de pollution les font déjà appliquer, il faudra attendre que les mentalités changent), les 4 % de dividendes des grosses entreprises, changer l’article 1 de la constitution en faveur de l’environnement (mais une loi sur l’écocide est dans l’actualité)

Je reçois régulièrement des informations sur l’avancée de nos travaux, une association avec les membres de la convention a été créée pour suivre le gouvernement à l’application de nos propositions. A ce jour pour mon groupe « déplacement » 42 propositions ont été faites, 15 ont été validées, 25 doivent être reprises par le PJL (projet de loi) ce qui portera à 40 les propositions retenues.»

 Votre avis aujourd’hui

«  C’est une expérience positive, unique et extraordinaire humainement parlant pour les gens que j’ai rencontré citoyens comme experts. Même si certains jeunes participants sont en désaccord avec la convention et la politique du gouvernement. Cette aventure nous aura permis de faire se rencontrer des gens, partager des difficultés, échanger…
Je suis fière que la convention et la France aient une position leader et soient moteur d’une nouvelle transition pour le respect de l’environnement. Si cette convention peut amener les politiques à devenir à leur tour acteurs et modèles, le travail fourni ne sera pas vain.

Toute décision individuelle ou collective doit tenir compte de son environnement et de sa préservation il n’est plus question de partis politiques, devant l’urgence il ne devrait plus y avoir de ministère de l’environnement mais que l’environnement soit dans tous les ministères. J’espère que les politiques en ont conscience.

Nous avons eu quelques contrariétés comme la Loi d’Orientation sur la mobilité qui a été votée alors que nous étions en train de travailler dessus en décembre 2019. Elle prévoyait un plan vélo de 50 millions nous en avons demandé 200 millions d’euros par an. »

Votre bilan :

« Toute activité humaine génère des gaz à effet de serre. Qu’est-ce qu’on en fait ? On fait le « moins pire« . Pour ma part, la solution est dans l’évitement du gaspillage dans tous les domaines. J’en ai fait part à Thierry TATONI élu à Nyons pour faire des propositions applicables au territoire.

Je suis d’un naturel optimiste, pour mes enfants et petits-enfants je ne peux pas baisser les bras ! Je suis persuadée qu’on peut éveiller les consciences par l’éducation et que tout peut redémarrer. Les parents sont des exemples pour les enfants, mais ça ne suffit pas, ce sont les comportements au sens large qui permettront de bouger. Je veux m’engager non pas politiquement mais de façon citoyenne. Je reste méfiante sur la parole des politiques je suis plus dans le faire que le dire.

J’espère que cette convention va faire changer un peu le cours des choses même si ce n’est pas à la hauteur de ce qu’on voulait et que ça n’aura pas la dimension souhaitée. Au niveau local c’est motivant.

Si c’était à refaire je le referai tellement c’était une expérience fabuleuse. »

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